Du Centrage des Poux du ciel...
par Philippe Balligand.

Extrait du N° 35 (Juillet - Août 1997) " Les infos du constructeur " RSA Belge

La causerie qui suit en plusieurs chapitres, n'a pas pour objet de raviver de vieilles blessures. Ceux qui connaissent un tant soit peu l'histoire de Mignet et de ses Poux savent que celle-ci est jalonnée de polémiques sur la stabilité longitudinale de la formule, et par là-même sur le centrage. Le sujet est donc historiquement sensible, pour ne pas dire tabou!

Non, les quelques considérations que j'expose ci-après sont motivées par la simple observation des faits, appuyées par mes propres expériences. Foin donc de spéculations gratuites, mais des faits, rien que des faits.

En outre, je ne désire pas asséner des vérités dogmatiques, mais bien ouvrir une tribune où toutes les opinions sont les bienvenues. Si parfois vous aurez malgré tout l'impression de devoir digérer des assertions brutales, c'est que je ne désire pas rentrer dans des démonstrations fastidieuses. N'hésitez pas à demander plus d'explications à l'éditeur si vous le désirez.

J'ai pu récolter un certain nombre de données et mener quelques essais sur mon propre appareil, mais ma documentation n'est certainement pas complète , ni mon HM 293 représentatif de toute la flotte, loin s'en faut. Aussi vos propres réflexions seraient hautement appréciées dans l'intérêt de tous.

Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, il est bon de rappeler quelques notions fondamentales afin d'éclairer le lecteur peu habitué à les manipuler.

1- Stabilité et foyer aérodynamique

Sans nous appesantir trop lourdement sur le sujet, rappelons que la condition nécessaire et suffisante pour qu'un aéronef soit statiquement stable en vol est que son centre de gravité soit situé en avant d'un point bien particulier, le foyer aérodynamique (ou foyer tout court) global de l'appareil.

Le foyer est défini comme:
"Le point par rapport auquel le moment de tangage est constant (et pas nul!), quelle que soit l'incidence".
Ce moment constant étant d'ailleurs le moment à incidence de portance nulle (Ce moment, ou plutôt son coefficient réduit, est noté Cmo).

Une autre définition, corollaire de la précédente, est:
"Le point où s'appliquent les variations de portance (et pas la portance elle-même!) quand varie l'incidence".
C'est de cette deuxième définition que découle l'axiome de stabilité énoncé au début de ce chapitre.
Ce foyer est un point fixe (fig. 1. 1), pour un profil donné, quelle que soit l'incidence, du moins aux angles usuels (ceux auxquels nous volons).

Le foyer est souvent improprement assimilé au "centre de poussée": le centre de poussée est le point par rapport auquel le moment est nul, et donc est le point où s'applique la portance, c'est à dire tout ce que le foyer n'est pas... En outre le centre de poussée n'est pas un point fixe, ses excursions avec l'incidence peuvent être très fantaisistes suivant le profil considéré, et son interprétation rendue d'autant plus délicate.

Le seul cas où les notions de foyer et de centre de poussée se rejoignent, c'est dans le cas de profils symétriques: ces deux points sont alors confondus, vers les 25% de la corde.

Le centre de poussée ne présente de l'intérêt que pour ceux qui doivent calculer la structure des ailes; mais pour les études de stabilité, il ne présente aucun intérêt face au foyer. Aussi, nous l'oublierons définitivement et ne retiendrons plus que l'existence du foyer tel que défini ci-dessus.

Si vous tenez malgré tout à appliquer la portance quelque part, un second corollaire de la définition du foyer est que vous pouvez considérer que la portance s'applique effectivement au foyer, plus le moment constant Cmo (Fig. 1.2).

Mais où diable se trouve ce point miraculeusement fixe? Pour un profil isolé, sa position est donnée dans les tables de profil. Cela va de 23 à 28% suivant le profil choisi (en écoulement subsonique), en l'occurrence 25% pour les profils symétriques, 24% pour un NACA 23012, plutôt 26 à 28% pour les profils laminaires.

Ainsi donc, il suffirait de prendre une aile quelconque au profil performant et de positionner le centre de gravité (CG) en avant de ce fameux foyer pour obtenir une aile volante parfaitement stable ? Eh oui, mais l'équilibre obtenu ne sera pas celui que vous pensez, puisque votre aile volante se retrouverait effectivement en équilibre (stable) … sur le dos !

2- Stabilité et Equilibre

Je ne vous ai encore parlé que de stabilité, sans présumer de l'équilibre. Voici encore deux notions bien souvent confondues. Tous les manuels scolaires décrivent pourtant bien qu'un équilibre peut être stable (pendule), indifférent (bille sur une table plane Horizontale) ou franchement instable (crayon sur sa pointe). Par contre, on imagine assez mal qu'on puisse assurer la stabilité sans s'occuper d'abord de l'équilibre; c'est pourtant ce que nous venons de faire. Grâce à la notion de foyer, on peut parfaitement se mettre en condition d'obtenir une condition de stabilité (CG en avant du foyer), et puis seulement chercher un équilibre, qui sera forcément stable. La distance du foyer à laquelle on place le CG s'appelle la marge statique.

Si l'aile volante créée ci-dessus a fait un demi-looping vers le bas, c'est parce qu'on y a utilisé un profil classique, dont le moment autour du foyer (constant, par définition) s'avère piqueur, et le CG placé encore plus en avant n'a évidemment rien arrangé (fig. 2. 1 )... C'est le lot de tous les profils classiques dont on attend des performances intéressantes.

Il faut donc un appendice cabreur à notre aile pour lui assurer l'équilibre que l'on souhaite (la stabilité étant assurée par le centrage, et lui seul). Il y a quatre moyens de créer ce couple cabreur de compensation, combinables entre eux (fig. 2.2):
a) tirer par dessous: placer le moteur très bas. Mais confier son équilibre au moteur n'est pas vraiment une bonne idée...
b) traîner par dessus: ajouter une forte traînée rien que pour l'équilibre n'est pas non plus une excellente idée, mais ça s'est fait.; c'est l'élytroplan (les papillons réglables au sommet d'une cabane haut perchée ressemblaient aux élytres d'un insecte).

c) porter par devant: c'est le canard.
d) déporter par derrière: c'est l'avion on ne peut plus classique.

Nous voici donc avec un assemblage "aile + appendice" qui est stable (grâce au CG devant le foyer) et équilibré à une assiette utilisable (grâce au compensateur cabreur).

Notez bien que je n'ai pas dit que dans un avion classique l'empennage est forcément déporteur. Nous verrons plus loin que, sous certaines conditions, un tel empennage peut être porteur.

Une variante à l'empennage arrière consiste à recourber le bord de fuite de notre aile pour créer le moment cabreur recherché. Vous aurez immédiatement reconnu les célèbres profils dits "auto-stables", tel l'affreux NACA 23012 modifié de l'aile arrière du HM 290, ou le NACA 23112 (fig. 2.3).

"Auto-stable" est un abus (le langage, car leur forme particulière n'apporte aucunement la stabilité (due uniquement à la position du CG en avant du foyer), mais bien l'équilibre,, à une assiette utilisable; leur appellation correcte serait donc plutôt auto-équilibré".

J'ai parlé jusqu'ici du foyer des profils isolés, dans un avion complet, chaque surface horizontale possède sont propre foyer (aile(s), empennage(s) et même fuselage que nous négligerons toutefois dans la suite). L'avion complet possède ainsi un foyer global avion, situé quelque part entre les différents foyers individuels cités plus haut.

Où est ce "quelque part"? Pour simplifier le raisonnement, considérons un assemblage aile + empennage, ou plus généralement surface avant + surface arrière, quelles que soient leurs proportions relatives (fig. 2.4):

Le plan avant :
- a une surface Sav
- possède un foyer Fav
- ce foyer est situé à une distance XFav d'une référence quelconque (ici le bord d'attaque du plan avant).

Le plan arrière :
- a une surface Sar
- possède un foyer Far
- situé à une distance XFar de cette même référence.


Ce coefficient dépend du profil considéré (il y a des profils plus "raides" que d'autres), de la géométrie (l'allongement "raidit", au contraire la flèche "fléchit"), mais surtout de la déflexion de l'écoulement sur la surface arrière à cause de la surface avant (fig. 2.6): quand l'ensemble prend 1O° d'incidence, l'aile avant voit un peu plus que 10°, l'aile arrière n'en voit qu'environ 5°. Du seul fait de cette déflexion (downwash pour les anglo-saxons), le coefficient dCzar/da de l'aile arrière est réduit de près de la moitié du dCzav/da de l'aile avant, toutes autres considérations mises à part (surfaces relatives, profil, allongement,... ).

Si l'on applique la formule ci-dessus à un avion tandem où les deux ailes seraient rigoureusement identiques (vous voyez où je veux en venir... ), on obtient que le foyer global F n'est pas juste à mi-chemin entre les deux foyers Fav et Far de chaque aile, mais nettement plus en avant (fig. 2.7). Si vous ne me croyez pas, il suffit de poser dans la formule Sav = Sar et dCzar/da = 1/2 * dCzav/da , et de faire un petit dessin.

Autrement dit, puisqu'il faut forcément placer le CG en avant du foyer global, vous comprendrez immédiatement que l'aile avant est forcément plus chargée que l'aile arrière. Notre critère de stabilité "CG en avant du foyer" revient à dire que "la charge portée par l'aile avant est forcément plus grande que celle portée par l'aile arrière, quand les deux ailes sont identiques ".

Sur un tandem aux ailes inégales, par exemple un Pou du ciel HM 293, ce raisonnement est toujours valable, à condition de remplacer la notion de charge absolue par celle de charge relative, c'est à dire la charge au mètre carré de surface. Notre critère devient donc:

"La charge alaire (au mètre carré) de l'aile avant est forcément plus élevée que celle de l'aile arrière, à cause du critère de stabilité (CG cri avant du foyer, lui-même plus près de l'aile avant que de l'arrière)."

Rappelons encore que cet énoncé est vrai pour n'importe quelle formule, du canard au classique, en passant par toutes les formes intermédiaires de tandem, dont les Pou du Ciel.

Veuillez m'excuser d'avoir été si long à y arriver, mais il fallait que cet axiome soit parfaitement compris avant d'aborder la suite de nos réflexions. Car toute la suite va se jouer sur cet écart de charge alaire avant/arrière, plus exactement leur rapport.

En passant, vous aurez compris que si ajouter un empennage à une aile permet de créer le couple cabreur nécessaire à l'équilibre, il fait aussi reculer le foyer global de l'ensemble. On pourrait donc placer le CG suffisamment derrière le foyer de l'aile seule (mais toujours devant le foyer global), pour rendre l'empennage porteur (fig. 2.8).

L'une des conditions pour ce faire est d'avoir un empennage suffisamment grand, ou suffisamment loin derrière, sinon le recul du foyer global ne sera pas suffisant. C'est évident sur un canard: la surface arrière (qui est ici l'aile principale) est bien évidement porteuse. Evident encore sur un tandem (Pou du ciel): l'aile arrière est manifestement porteuse. Si vous réduisez encore la surface arrière (avion classique), vous pouvez encore rencontrer des empennages porteurs, pour autant qu'ils aient une surface suffisante (Rallye: Sempennage = 20% de Saile). La limite "porteur déporteur" dépends évidement de la marge statique, et du Cmo du profil de l'aile.

Signalons pour clore ce chapitre, et contenter les puristes, qu'il existe en fait plusieurs foyers: un foyer dit "manche libre", un autre dit "manche bloqué" et enfin un foyer dit "de manœuvre", selon que l'on calcule le foyer global en utilisant les coefficients dCz../da mesurés en laissant le manche libre, ou bien en le bloquant, ou bien en cours de manœuvre. Dans la suite, nous ne parlerons que du foyer manche bloqué, en principe le plus en avant des trois (donc le plus critique) dans le cas d'un Pou du Ciel piloté par l'aile avant (je ne m'étendrai pas sur les cas particuliers où ce serait le foyer manche libre qui serait le plus avant; cela ne change de toutes façons rien au raisonnement).

Et j'aurai tout dit des contraintes de centrages en mentionnant que s'il existe une limite arrière du CG pour raison de stabilité (pas plus loin que le foyer, avec une petite marge de sécurité), il existe aussi une limite avant, pour raison d'équilibre cette fois. En effet, plus avant est le CG, plus important devra être le couple cabreur apporté par notre appendice équilibrent, jusqu'au décrochage de celui-ci-ci. En réalité, la limite avant est atteinte lorsqu'il reste tout juste assez de puissance à cabrer pour assurer un arrondi convenable à l'atterrissage.

3-Considérations sur les références de centrage

Du temps du HM- 14, Henri Mignet donnait ses centrages en centimètres à compter du bord d'attaque de l'aile avant. C'était évidement incompatible avec les innombrables variantes de réglages d'une construction à l'autre, étant donné qu'une telle référence ne tient absolument pas compte des variations d'entreplan Horizontal suivant le poids du moteur utilisé ou du pilote.

En outre, cela ne facilitait guère les comparaisons entre différents appareils. Une rapide comparaison des centrages (les Poux d'époque (dans " 100 Poux du ciel par exemple) révèle de nombreuses versions apparemment sans lien logique. L'explication est évidement que les entreplans variaient d'une machine à l'autre, mais cela n'apparaît jamais clairement et ajoute à la confusion, voire au "mystère" entourant le centrage des Mignet (fig. 3. 1 ).

Dès après la Guerre, avec l'apparition du HM 290 apparaît une nouvelle méthode: désormais le centrage est exprimé en pourcentages de la corde totale, celle joignant le bord d'attaque de l'aile avant au bord de fuite de l'aile arrière.

Cette procédure se retrouve sur tous les Mignets d'après-guerre, et présente l'avantage de donner des valeurs fixes pour un modèle donné, quel que soit l'entreplan obtenu pour centrer la machine (fig. 3.2).

Or, nous savons désormais que le critère de stabilité impose une certaine répartitions des charges (c.à.d. du poids) entre l'aile avant et l'aile arrière, pour un modèle donné. On a vu que cela était dû à la nécessité de placer le CG à un endroit convenable par rapport au foyer global de l'avion, lui-même fonction des foyers individuels de chaque aile et de la géométrie des surfaces portantes.

Il est donc pertinent de mesurer la position du CG en proportion non pas de la corde totale, mais du segment joignant les foyers des deux ailes, soit les points situés à 25% de chacune des deux cordes (fig. 3.3).

Les méthodes "% de corde totale" et "% de C/4-C/4" sont-elles équivalentes? Une rapide règle de trois vous montre que non... sauf dans un cas particulier: lorsque le CG est précisément à 25% de la corde totale et que les cordes avant et arrière sont identiques. Alors le CG se trouve aussi à 25% de la corde C/4-C/4. Or il se fait que le centrage moyen du HM 293 est justement de 25%, et ses cordes sont identiques! Dans le cas de ce modèle particulier, la méthode de la corde totale est donc rigoureuse... par hasard.
Dans tous les autres cas, compter la position du CG en % de la corde totale ne reflète pas rigoureusement le critère de stabilité quand varie l'entreplan. Prenons un exemple (fig. 3.4): soit un Pou aux ailes identiques de 1 m de corde, dont il faudrait placer le CG à 40% de C/4-C/4 pour assurer la stabilité.

Nous voyons sur la figure que pour un entreplan de 500 mm, le critère "40% de C/4-C/4" place le CG à 850 mm du bord d'attaque avant, soit 34% de la corde totale. Vous voyez tout de suite l'écart. Qui plus est, si l'entreplan est de 0 mm, les 40% de C/4-C/4 correspondent cette fois à 650 mm du b.a. avant, soit 32,5% de la corde totale, ce qui est encore différent. Et si le constructeur se contentait de respecter "34% de la corde totale" quel que soit l'entreplan, il se retrouverait , à entreplan nul, avec lui CG à... 43% de C/4-C/4, bien trop en arrière de la vraie limite de 40% C/4-C/4!

Si en plus vous considérez un Pou à cordes différentes (genre Balerit), l'inconvénient de la corde totale saute encore plus aux yeux. Vous comprenez donc que la corde totale n'est pas une bonne référence de centrage, mais qu'il faut utiliser le segment C/4-C/4. La corde totale est malgré tout une référence correcte dans le cas particulier où le centrage à respecter tourne autour des 25% et où les cordes av. et ar. sont identiques, mais nous verrons au chapitre suivant que pour comparer les centrages de différentes formules Mignet, il faut utiliser la seule référence correcte, à savoir le segment C/4-C/4. Dans la suite, je continuerai malgré tout à donner les valeurs de centrage dans les deux références, afin de permettre au lecteur de comparer avec ce qu'il connaît.

4- Comparons quelques Pou du ciel

A l'issue de l'étude qui précède, nous tenons tous les éléments indispensables à la comparaison de différents appareils, sur des bases rationnelles. Pour chacun d'eux, j'ai compilé les caractéristiques suivantes:

- Surface de l'aile avant (Sav);
- Surface de l'aile arrière (Sar); et leur somme (Stot)
- Position du CG, rapportée au segment C/4-C/4;

Puis on calcule les paramètres suivants:

- Proportion du poids portée par l'aile avant;
- Proportion du poids portée par l'aile arrière,
- Charge alaire relative de l'aile avant (ch.al.avant/ch.al.globale);
- Charge alaire relative de l'aile arrière (ch. al. arrière/ch. al. globale);

Et enfin, le paramètre instrument de notre comparaison:
- Rapport des charges alaires avant/arrière (rapport des deux précédents).

J'ai chaque fois ajouté une vue en plan de l'appareil concerné, pour rendre les choses plus tangibles. Vous noterez en passant que ni l'entreplan ni les cordes n'apparaissent explicitement dans les paramètres pris en compte ci-dessus (ils sont en fait implicites dans la position du CG donné en proportion du segment C/4-C/4, d'où l'intérêt de cette référence), ni le poids total de l'appareil (tout est donné en relatif.)

Les appareils dont j'ai pu trouver les caractérise font chacun l'objet d'une fiche reprenant les caractéristiques telles que définies plus haut, et dont la principale, le rapport des charges alaires av/ar, est reprise dans le tableau résumé qui suit:

Modèle Rapport Ch. Av/Ch. Ar
HM 290 2,1
HM 293 2,3
HM 360 2,1
HM 380 1,83
Croses CRIQUET Léger 1,3
Croses CRIQUET LC6 1,23
Landray VISA-POU 2,23

La principale constatation saute immédiatement aux yeux: les Croses sont centrés très nettement plus en arrière que les autres: leur aile avant a une charge relative seulement 1,3 fois plus élevée que l'arrière, alors que les autres voient leur aile avant supporter une charge alaire en gros 1,8 à 2,3 fois plus élevée que l'arrière.

Autrement dit, les Croses exploitent bien mieux leurs mètres carrés que les Mignets- de son côté, G. Landray a semble-t-il centré soit Visa-Pou comme un Mignet, alors que sa géométrie est très similaire au Criquet L. Bref, les HM comparés ici traînent des ailes arrières à peine utilisées (le HM 380 étant le meilleur du lot à ce point de vue).

Le Criquet L est-il pour autant instable? J'ai personnellement essayé cet appareil et trouvé qu'il ne présentait aucune tendance à l'engagement, La stabilité manche bloqué est toujours positive, jusqu'à la Vne (limitée, il est vrai, à 125 Km/h).

Alors? Pourquoi les Mignet de cette série sont-ils centrés aussi en avant? Mystère... Pour en avoir le cœur net, il fallait aller y voir. J'ai donc transformé mon HM 293 en cobaye et essayé d'y voir plus clair.

5- Des essais intéressants..

Je vous le signale tout de suite: mon HM 293 n'a pas été construit en suivant les plans de R. Grunberg, inexistante à l'époque.

Il s'agit à la base d'un HM 293 "A", c'est à dire à envergure agrandis (6,1 / 4,8), avec fuselage allongé et plus "ventru" que le -290 (je mesure 1,85 m ... ), construit entre 1981 et 1990. Premier vol le 1er octobre 1990, une version train classique. Un an plus lard, j'entame un chantier de modification tricycle, qui durera... 3 ans, et revole dans cette nouvelle configuration (baptisée HM 293 "B") depuis novembre 1994. Equipé d'un moteur VW 1600, l'appareil a accumulé à ce jour près de 120 h de vol.

Avec ses 206 Kg à vide, il ne peut prétendre à l'ULM, aussi est-il classé en catégorie Avion (CNRA), ce qui me permet d'entretenir dessus ma licence de pilote privé, et de voyager où bon me semble sans tracasseries administratives.

D'autres caractéristiques particulières sont: le profil d'aile (le 3.40.1 3 des HM 360/380, sur les deux ailes), un trim de profondeur réglable an bord de fuite de l'aile avant, aucun volet à l'aile arrière et le centrage originellement réglé à 25% de la corde totale, résultant en un entreplan de 120mm.

Ainsi réglé, j'ai toujours trouvé le centrage trop avant, résultant notamment en une vitesse d'approche sensiblement élevée pour un appareil de 11,5 m2 et de ce poids, et à une difficulté d'arrondir correctement à l'atterrissage. Mais soit, puisque tel était le réglage préconisé par le concepteur...

La puce me vint à l'oreille alors que je dessinais mon nouveau train tricycle. Observez le train principal d'un Croses: il est très nettement plus en arrière que le train d'un Mignet, et l'aile arrière proportionnellement plus grande du Croses n'explique pas tout. Pour en avoir le cœur net, je compilai les données telles que je vous les ai livrées plus haut, me jurant de tirer cette affaire au clair.

Voyons voir: en centrant mon HM 293B à 25% de la corde totale (soit 25% aussi de C/4-C/4), l'aile avant porte relativement 2,3 fois plus que l'arrière. Sur le Criquet L, ce rapport n'est que de 1,3. Si je voulais appliquer ce même rapport à mon HM, il faudrait le centrer (tous calculs faits) à 37% de C/4-C/4, soit 31 % de la corde totale (pour l'entreplan de 120mm). Cela paraît exorbitant quand on parcourt la littérature HM, mais c'est pourtant bien ce qu'il faudrait faire si l'on veut faire travailler les ailes du HM aussi efficacement qu'un Criquet L.

Les règles les plus élémentaires de précaution en essais en vol imposent d'y aller progressivement. C'est ce que je fis, faisant varier le CG en lestant la queue de plaques d'acier, et retranchant autant d'essence pour conserver la masse totale. La géométrie de mou Pou est telle qu'il faut 4kg de lest dans la queue (et corrélativement 5,5 litres d'essence en moins) pour reculer le CG d'1% de la corde totale, ou 2% de C/4-C/4 (fig. 5.1) .

Le programme d'essais s'établit comme suit:
1 ) On essaiera successivement des centrages plus arrières, par pas d'1 % C/4-C/4 à la fois, en lestant la queue et délestant le réservoir, tentativement jusqu'à une valeur de 37% C/4-C/4 (31 % corde totale, si l'entreplan est maintenu à 120mm).
2) A chaque centrage, on évaluera le comportement de l'appareil en effectuant les manœuvres suivantes:

- Décollage: facilité de déjaugeage, tendance à sur-cabrer;
- Montée: taux de montée à différentes vitesses, à position de gaz constante;
- Stabilisation à 2000 ft/sol:
* relevé de la vitesse Horizontale en fonction du régime moteur;
* relevé du régime moteur minimum permettant le vol soutenu, et la vitesse correspondante
- Manœuvres diverses pour évaluation du comportement:
* virages de plus en plus serrés;
* renversement de virages (45' à 45'), dans les deux sens;
* échelons de command sur les deux axes: réponses de l'avion.
- Descente parachutale (plein réduit): relevé des vitesses horizontales et verticales aux différentes positions de manche, de plus en plus arrière; caractéristiques du décrochage (si marqué).
- Remontée à 2000 ft, et essai de survitesse: en tenant le sur-régime moteur à l'œil, stabiliser des vitesses de plus en plus élevées, par pas de 10 Km/h.
Noter pour chacune:
* la position du manche qui maintient cette vitesse;
* toute tendance de l'avion à s'engager en piqué plus prononcé;
* le sens de l'effort donné par le manche dans la main : tire ou pousse;
* l'action au manche nécessaire pour passer au point suivant.
Cet essai est mené jusqu'à la Vne, que j'ai fixée à 180 Km/h pour mon HM (Mignet est muet sur ce paramètre, je l'ai fixé moi-même pour être confortable en démonstration). C'est évidemment l'essai le plus délicat, il nécessite beaucoup de doigté et d'attention pour ne pas se laisser surprendre par les réactions de l'avion.
- Atterrissage: comportement à l'arrondi.

L'essai dure environ une demie heure, on rajoute le lest nécessaire à l'essai suivant, et on recommence.
Philippe BALLIGAND


Je n'ai pas la suite de cet article et je ne sais pas si elle est parue?